Athée… peut-être…
Nous sommes dans un petit village du sud de la Tanzanie en Afrique de l’Est. Une école primaire rassemble une centaine d’enfants et une école ménagère prépare les adolescentes à leur vie de futures mamans. Le centre des affaires comprend une vingtaine de petites boutiques administrées pas un groupe d’Indiens du ‘vieux’ continent. Vous pouvez y trouvez un peu de tout – riz, légumes, huile végétale, pétrole et kérosène, étoffe aux couleurs chatoyantes, et de multiples articles pour la nourriture, le travail aux champs, papier, crayons, allumettes, et je ne sais quoi encore. Le coca-cola y a même fait son apparition!
La vie quotidienne se déroule lentement au fil des saisons toujours répétées à une fréquence malheureusement irrégulière : saison des pluies, saison sèche – chacune plus ou moins longue selon les caprices de Dame Nature. Voilà qu’un beau jour, cette scène est soudainement bouleversée par l’arrivée imprévue d’une équipe de géologues russes! Inédit dans ce petit coin perdu d’une région d’agriculteurs. Ce groupe d’étrangers comprend dix scientistes qui sont accompagnés d’un couple d’interprètes, mari et femme, qui les suivent partout car, outre le gérant de l’équipe, nul autre géologue ne comprend l’anglais ou la langue africaine nationale, le Swahili.
La solitude doit leur peser car après quelques semaines, le gérant et les interprètes se rendent à ‘la Mission’ – la résidence des Pères et le couvent des religieuses. Ils viennent faire connaissance. Ceci est également inédit de la part de ceux qui se disent ‘officiellement’ athées. La Russie rencontre l’Allemagne, la France, et le Canada en la personne des missionnaires. La dame-interprète discute ‘recettes’ avec ‘les Sœurs’ et les deux hommes échangent avec le prêtre sur différents sujets. Au fil des mois, les visites se répètent de temps à autre.
Puis un soir, à la maison des prêtres, le gérant vient seul rencontrer le Père Curé. Celui-ci dira plus tard que, ce soir-là, leur conversation était différente de celles qu’ils avaient d’ordinaire. Le gérant semblait trouver difficile de parler de différents sujets, et le silence ponctuait les phrases plutôt courtes qu’il parvenait à articuler.
Après environ une demi-heure de communication assez pénible, le gérant a dit : « J’ai reçu un télégramme de Moscou. (Les courriels n’existent pas encore à cette époque et, qui plus est, l’électricité n’est pas présente non plus!) Mon fils étudie à l’université, il est en troisième année. » Une longue pause silencieuse que le curé respecte. « Yuri, mon fils, ne se sentait pas en forme depuis quelques mois. Il est allé voir le médecin……. » Pause plus longue et les paroles semblent ne plus venir.
Lorsqu’il reprend, le père ajoute : « Le docteur dit que le cancer est trop avancé, ils ne peuvent pas l’opérer. Il lui reste peut-être six mois… » La voix est à peine audible, mais le père continue : « J’ai envoyé un télégramme au Chef de l’entreprise à Moscou et il m’a refusé la permission de rentrer au pays. »
Il est évident que le gérant a de la difficulté à maîtriser son émotion. Il ne regarde plus le Curé qui doit porter attention pour entendre chaque mot qui sort de la bouche du père en détresse. Celui-ci se lève soudainement et s’apprête à partir. Arrivé à la porte, sans se retourner, il dit au prêtre : « Quand, toi, tu parleras à ton ‘Boss’ tu veux bien lui parler de mon fils…… »
Le Curé a promis qu’il parlerait de Yuri à son ‘Boss’ comme l’en avait ‘prié’ le Russe… qui n’était peut-être pas athée comme il le professait.
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