NIGÉRIA
Alors que le pays est secoué depuis des mois par un profond regain de violences interconfessionnelles, un imam de l’État du Plateau, dans le centre du pays, a risqué sa vie fin juin pour protéger 262 chrétiens assaillis par des musulmans peuls.
Son geste, héroïque, ravive un peu d’espoir dans ce pays frappé, depuis des mois, par une violente recrudescence des affrontements opposant les éleveurs musulmans et les agriculteurs chrétiens de cette région centrale du Nigeria.
Jeudi 28 juin, un imam officiant dans la localité de Barkin Ladi, dans l’État du Plateau, a sauvé 262 hommes, femmes et enfants chrétiens d’un assaut perpétré par plus de 300 Peuls, pour la plupart musulmans.
Armés de machettes et de fusils, ces derniers s’en sont pris, sur le coup de trois heures de l’après-midi, à la population du petit village de Nghar Yekwah. Tirs sur plusieurs habitants (le bilan des victimes n’a pas encore été communiqué par la police), pillage de maisons, voitures incendiées…
Pris de cours, les villageois chrétiens, cédant à la panique, ont tenté de prendre la fuite. C’est alors qu’un imam voisin, alerté par les cris, a offert de les cacher, en leur ouvrant, à ses risques et périls, les portes de sa propre maison et de la mosquée locale.
Des femmes et des enfants cachés
« J’ai d’abord caché les femmes et les plus vulnérables dans ma maison. Ensuite, j’ai donné refuge aux hommes dans la mosquée », a simplement relaté le responsable religieux, qui a tenu à garder l’anonymat pour des raisons de sécurité, à une journaliste de la BBC, installée dans le Plateau du Nigeria.
Mais l’imam était alors encore loin d’être au bout de sa peine. Ayant appris son geste protecteur, les Peuls se sont dirigés vers l’édifice religieux pour le « brûler » et massacrer toutes les personnes y ayant trouvé refuge.
Accompagné de plusieurs fidèles de sa communauté, l’imam a tenté de s’interposer pour barrer la route aux assaillants. Inflexible sous les salves de menaces prononcées à son encontre, il les a implorés, prostré au sol, de laisser la vie sauve à ses nombreux protégés. Avant d’enjoindre, en larmes, les éleveurs à s’enfuir.
Contre toute attente, les Peuls, sans donner de raison apparente, ont alors décidé de battre en retraite, en brûlant deux églises sur le chemin de retour.
Sa « gratitude » envers la communauté chrétienne
Interrogé par la journaliste de la BBC sur les raisons pouvant justifier d’une telle bravoure, l’imam a aussi raconté, avec humilité, avoir voulu exprimer « sa gratitude » envers la communauté chrétienne, qui lui avait gracieusement cédé il y a une quarantaine d’années le terrain sur lequel fut érigée sa mosquée. Après l’offensive, les villageois sont restés pendant cinq jours dans le quartier de l’imam, avant de migrer vers un camp pour personnes déplacées.